LES VISAGES DE L'EFFROI - attentats terroristes, Paris, 13 novembre 2015
LES VISAGES DE L'EFFROI
22h55, samedi 14 novembre, un jour à
peine après les attentats, Châtelet-les-Halles comme un "Buffet
froid", pas âme qui vive, les cliquetis des escaliers mécaniques
pour seuls compagnons d'infortune.
23h10, station République comme une
perspective lugubre s'engouffrant dans un trou béant dont on ne voit
pas la sortie.
23h17, Place de la République,
recueillement digne et silencieux autour des offrandes en souvenir de
celles et ceux qui sont restés étendus hier sur les trottoirs, des
trépieds en forme de pattes d'insectes géants tout autour, sans
corps, sans âmes, sans humanité.
23h32, la vie quotidienne autour du cercle de la
mémoire, des hommes comme des chrysalides dans leur cocon nocturne,
des objets futiles de la frénésie diurne.
Autour de la place, les devantures des
cafés sont comme des façades de manèges de la Foire du trône un
jour de relâche.
23h52, Café République, terrasse
occupée par des résistants discrets et déterminés: ce n'est pas
anodin de s'installer en extérieur cette nuit, c'est un acte de
bravoure face à la balle qui pourrait encore s'inviter à tout
moment.
00h12, devant la vitrine d'une agence bancaire, il était là hier et avant
hier, il sera là demain et après demain, il est «accompagné au
quotidien».
00h15, face aux barrières qui
protègent le sanctuaire des martyrs du Bataclan, d'autres
recueillements dignes, d'autres offrandes en mémoire à celles et
ceux qui sont restés étendus dedans, d'autres pattes d'insectes.
00h23, la fête au bar, exubérante, un
peu forcée, la jeunesse avide de puiser dans sa propre énergie pour
continuer à regarder droit devant, pour ne jamais baisser les bras, pour
ne jamais courber le dos.
07h38, dimanche matin dans une lumière
fade et insipide, chaises bien rangées comme des partitions sagement
muettes, l'insecte est déjà là, l'homme n'est pas encore réveillé,
il n'attends pas le prochain bus.
08h04, des anges ailés au détour d'un
couloir sans vie invitent à une danse qui ne sera pas.
08h06, les «visages de l'effroi.»
A la mémoire de celles et de eux qui sont restés étendus, de celles et de ceux qui ne se relèveront pas, alors qu'ils venaient pour partager joie et désinvolture.
A ceux qui se se sont relevés ou qui se relèveront: ayez des rêves et ne les oubliez jamais.
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